Encore un exemple d’acteurs du changement en agriculture. Voici Louise et Teddy qui sont installés depuis novembre 2018 sur une ferme de 10 ha dans le Périgord à une vingtaine de kilomètres de Brantome, entre Angoulême et Périgueux. Tous deux sont des anciens de la célèbre ferme du Bec Hellouin. De vrais « régéra-terre ».
Louise est ingénieur environnementale avec une spécialité en agroécologie. Après plusieurs expériences à l’international (Maroc, Inde, Equateur, Sénégal), elle a dirigé la recherche au Bec Hellouin et a donc collaboré, entre autres, avec l’INRA et François Léger pour mesurer les performances d’une agriculture fondamentalement respectueuse de la nature. Teddy est cuisinier et s’est donc intéressé naturellement à la qualité des produits alimentaires. Il est donc devenu maraîcher et a été pendant 3 ans chef de culture du Bec Hellouin. Il a gardé encore aujourd’hui sa passion pour la cuisine et sublime leurs produits au sein d’une table paysanne qu’ils ouvrent tous les mardis soir d’avril à septembre au cœur de la ferme.
Ils ont vendu légumes et œufs dès l’été 2019. Ils ont installé les jardins maraîchers sur une ancienne prairie (au départ, 1500 m2, et aujourd’hui, 1 ha) et le verger sur d’anciens champs en grandes cultures. Ils ont semé de la luzerne puis laissé la flore spontanée se développer. Afin de limiter l’érosion et le ruissellement, ils ont planté des fruitiers et des haies sur les lignes de niveau. D’année en année, ils ont observé le sol s’enrichir en matière organique et la flore devenir de plus en plus diversifiée, mettant en évidence la résilience de la nature et sa capacité à se régénérer rapidement. Ils ont planté plus de 2000 arbres dont 1000 fruitiers sur 8 ha. Un cheptel de 240 poules pondeuses vivent dans le verger en pâturage tournant : leurs parcours est changé toutes les semaines pour leur offrir de l’herbe toujours bien verte et éviter tout problème sanitaire
Bien que faisant beaucoup d’auto-construction, ils ont dû recourir à l’emprunt bancaire, étant parti d’une page vierge où tout était à faire (chemins d’accès, bâti, irrigation, serres, verger, atelier, etc…). Le remboursement des dettes explique le maigre salaire qu’ils s’octroient tout en travaillant 70 heures par semaine chacun. Ils vendent leurs produits sur les marchés de Mareuil et d’Angoulême, à quelques restaurants et à la Biocoop.
Le surmenage et les accidents les ont menés à réfléchir autrement. C’est à ce moment-là que Renaud puis Antoine arrivent à la ferme. Le partage de valeurs communes et l’envie de travailler ensemble les ont conduits à intégrer 2 nouveaux associés, Renaud et Antoine, au sein du GAEC, afin de réduire le temps de travail tout en poursuivant les 5 activités de la ferme : le maraichage, les arbres fruitiers, l’élevage de poules en agroforesterie, une table paysanne et les produits transformés de la ferme.
Ils sont entourés de grandes fermes agricoles (100 ha) plutôt conventionnelles, mais sont très bien intégrés localement. Ils ont monté pendant l’année 2024 leur projet d’association à 4 en lien avec la Chambre d’Agriculture de Dordogne, notamment via le système de parrainage. Cela permet aux candidats à l’installation de travailler sur la ferme tout en réfléchissant à quatre à la nouvelle organisation et en réalisant les démarches administratives nécessaires.
Louise et Teddy font clairement partie de ceux qui changent le métier de paysan
Bernard GERVAIS